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Entretien avec Odile Dalla Barba de Plastic Odyssey

Chloé: Est-ce que tu pourrais te présenter et nous présenter Plastic Odyssey s’il te plaît ?

Odile : Bonjour Chloé, avec grand plaisir. Je suis Odile Dalla Barba, et cela fait un an que je travaille chez Plastic Odyssey en tant que directrice des opérations. Mon rôle englobe divers aspects tels que l’organisation des structures, la gestion des ressources humaines, le management, les contrats juridiques, la comptabilité, les finances et les relations avec les partenaires. C’est un poste très diversifié et stimulant !

Plastic Odyssey est une expédition maritime qui a débuté le 1er octobre 2022. Il s’agit d’un navire de recherche doté d’un laboratoire embarqué, parcourant le monde pendant trois ans pour visiter les 30 pays les plus affectés par la pollution plastique. À bord, nous avons une équipe de 30 explorateurs, dont la moitié sont des marins responsables de la navigation du navire, tandis que l’autre moitié se compose d’organisateurs, de gestionnaires de projets, de scientifiques et d’ingénieurs spécialisés dans les plastiques. L’objectif principal de cette expédition est de lutter activement contre la pollution plastique à l’échelle mondiale.

Nous avons deux axes stratégiques : « Clean up the Past » (nettoyer le passé) qui vise à éliminer le plastique des terres avant qu’il n’atteigne les océans, en trouvant des solutions efficaces pour transformer le déchet plastique en une ressource économique. Et « Build the Future » (construire le futur) qui consiste à développer des alternatives au plastique et à sensibiliser la nouvelle génération à réduire sa consommation de plastique.

Nous avons six stratégies innovantes pour atteindre nos objectifs.

Tout d’abord, nous avons l’Académie du Recyclage, où nous formons des entrepreneurs pour la mise en place des solutions de recyclage autonomes. Nous leur fournissons les outils nécessaires et les accompagnons au sein de communautés francophones, anglophones et hispanophones, où ils s’entraînent et s’entraident.

Ensuite, notre laboratoire embarqué à bord du navire mène des recherches sur le recyclage du plastique, avec des périodes de recyclage effectif.

Les « Local Factories » sont des micro-usines clés en main que nous envoyons dans des containers, équipées de tout le nécessaire pour transformer du plastique recyclé en produits finis à valeur ajoutée.

Ces actions sont dédiées à « Clean up the Past ».

Pour « Build the Future », nous organisons des expositions dans chaque pays visité, mettant en avant les alternatives au plastique. À chaque étape, nous intégrons une nouvelle alternative découverte localement, rendant cette exposition vivante et évolutive.

Nous avons également les « Exploration Schools » qui sensibilisent les enfants aux enjeux environnementaux du plastique, en leur fournissant des outils et des jeux éducatifs comme le « Code Océan », qui aborde ces sujets de manière ludique.

Enfin, nous menons un programme de recherche en sciences humaines sur nos comportements vis-à-vis du plastique, adapté à chaque pays visité. Ces initiatives, à une échelle mondiale, impliquent une collaboration avec des universitaires pour des retombées significatives. C’est un travail holistique et dynamique qui vise à transformer notre relation avec le plastique et notre environnement à long terme.

Chloé : Peux-tu nous parler justement de la genèse du projet ? De quel constat êtes-vous partis ?

Odile : Le projet Plastic Odyssey trouve son origine dans l’observation des dégâts environnementaux par des marins de la marine marchande, notamment Simon Bernard, le véritable instigateur du projet, et son ami de longue date de l’académie maritime, Alexandre Dechelotte. En naviguant, ils ont été témoins des ravages causés par la pollution plastique en mer. Ce constat les a profondément touchés, en particulier en tant que marins, car ils ont réalisé que près de 20 tonnes de déchets étaient déversées dans les océans chaque minute. Face à cette réalité, ils se sont posé la question cruciale : « Que pouvons-nous faire ? »

Leur approche s’est avérée être très innovante : transformer ces déchets en produits finis. L’objectif est de convertir ce qui est souvent perçu comme un fardeau en une opportunité de création de richesses, en favorisant une économie circulaire locale. Au lieu d’exporter et d’importer des déchets, Plastic Odyssey vise à valoriser ces ressources localement, soutenant ainsi des entrepreneurs locaux, créant de la richesse et favorisant l’émergence d’écosystèmes économiques durables.

Cette approche entrepreneuriale est donc novatrice et suscite un véritable engouement à la fois localement et à l’échelle mondiale, car elle offre une solution tangible et durable à un problème environnemental urgent.

Chloé : Concernant l’actualité du plastique Odyssée, peux-tu nous parler de vos récentes interventions et opérations de sensibilisation à la pollution plastique ?

Odile : Nous avons récemment mené une importante mission qui a nécessité des mois de préparation. Cette mission s’est déroulée sur une île de l’archipel des Pitcairn, appelée Henderson, située au cœur du Pacifique. Cette île est un site protégé par l’UNESCO et fait partie du patrimoine mondial de l’organisation.

Henderson est une île inhabitée. En 2015, une analyse a révélé qu’elle avait l’une des densités de débris plastiques les plus élevées jamais enregistrées au monde.

Il est crucial de souligner que les débris plastiques retrouvés sur Henderson ne sont pas le fait de la population locale ou des îles avoisinantes, qui ont une population très réduite. Ces déchets proviennent de sources mondiales, transportés par les courants marins. En 2019, une première expédition américaine a réussi à atteindre l’île et à collecter des déchets, mais leur évacuation s’est avérée problématique en raison de la configuration géographique de l’archipel et des risques pour la barrière de corail due aux courants marins.

Notre président, Simon Bernard, a proposé une solution novatrice : utiliser des parachutes ascensionnels pour sortir les déchets de l’île. Après une préparation minutieuse et des tests en Équateur, nous avons réussi à déployer cette technique sur Henderson. Neuf tonnes de déchets ont ainsi été collectées et acheminées sur notre bateau, le Plastic Odyssey, malgré les défis logistiques et les courants puissants.

Nous avons dû développer des méthodes innovantes pour traiter efficacement ces neuf tonnes de déchets plastiques une fois à bord du Plastic Odyssey et sur cette quantité de déchets récoltés, deux tonnes ont même été broyées directement sur le bateau.

Ce processus a été mené en une semaine seulement, grâce à la mobilisation et à l’expertise d’une équipe dédiée d’une quinzaine de membres.

Le défi majeur résidait dans le fait de mener cette opération sans endommager la barrière de corail environnante. Vivre sur place sans les commodités du bateau a ajouté une dimension supplémentaire à cette expérience. L’utilisation ingénieuse de parachute ascensionnel, avec un système adapté utilisant une moto pour les déployer efficacement, a été l’une des clés du succès de l’opération.

Les conditions climatiques extrêmes sur l’île Henderson, notamment la chaleur intense, ont été des facteurs critiques à prendre en compte pour éviter tout risque lors de la collecte des déchets. Cette opération a été filmée et les images capturées durant cette mission témoignent de l’ampleur de notre engagement et sont déjà disponibles sur notre site internet !

Chloé : Quels sont les principaux défis auxquels Plastic Odyssey est confronté dans la réalisation de ses missions environnementales, et quelles stratégies utilisez-vous pour les surmonter ?

Odile : Le défi majeur auquel nous faisons face chez Plastic Odyssey est l’immensité du problème de la pollution plastique. Avant de rejoindre l’équipe, j’avais l’idée que la concurrence dans ce domaine diminuerait et que le plastique se ferait plus rare. Mais la réalité est tout autre ; la fin de cette problématique n’est malheureusement pas en vue.

Nous avons parfois l’impression d’être une petite goutte d’eau dans un océan de défis à relever.

Mais quand on sait qu’il y a 19 tonnes de plastique rejetées chaque seconde dans l’océan, cette échelle dépasse notre imagination. Notre stratégie pour surmonter ces défis consiste à élargir notre communauté d’entrepreneurs engagés, à accroître notre impact global et à sensibiliser dans divers pays, y compris en Europe et dans les pays occidentaux. Nous devons reconnaître notre propre responsabilité, même si nos rues semblent propres et que les déchets sont collectés, leur devenir reste souvent méconnu. Nous faisons face à une demande croissante, ce qui témoigne de l’attente et de l’engouement des communautés dans de nombreux pays pour ces solutions. Nous n’étions pas préparés à une telle réceptivité, mais nous nous adaptons pour répondre à cette demande grandissante.

Actuellement, nous développons une production au Sénégal, qui représente notre premier marché avec une forte demande pour ces installations. Nous mettons en place une structure adéquate pour répondre efficacement à ces besoins. Nos machines no-tech, à basse consommation énergétique, s’inscrivent dans notre approche écologique globale. Elles sont conçues pour être déployées partout dans le monde, y compris dans des zones reculées où les ressources énergétiques sont limitées. Notre objectif est de créer un impact local significatif en favorisant une économie circulaire complète, en utilisant les ressources locales de manière durable.

Chloé : Quelles seraient les ressources ou initiatives que tu pourrais recommander aux personnes qui souhaiteraient approfondir leur connaissance sur la protection sur l’environnement marin, en lien avec un peu les actions de Plastic Odyssey ?

Odile : Pour les enfants, je recommande vivement le Code Océan, disponible sur le site de Plastic Odyssey. C’est une approche ludique et éducative qui sensibilise de manière interactive aux enjeux marins et environnementaux.

Pour les entrepreneurs et le grand public intéressé par le recyclage du plastique, je conseille notre Recycling Academy, également accessible sur notre site. Cette plateforme offre des ressources et des formations approfondies sur le recyclage des déchets plastiques.

Nous avons également publié un livre sur le projet Plastic Odyssey, disponible en librairie, écrit par nos cofondateurs Simon et Alexandre. Et pour une immersion plus visuelle, le film Plastic Odyssey diffusé sur Canal Plus, offre un aperçu captivant de notre expédition !

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