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Entretien avec Alice Heurlin et Agathe Taurel de ALGA Mediation

Chloé : Bonjour, est-ce que vous pouvez vous présenter et présenter votre entreprise ?

Alice et Agathe: Bonjour, nous sommes Alice et Agathe de Alga Mediation, une agence spécialisée dans la participation citoyenne et audiovisuelle.

Notre mission principale consiste à tisser des liens entre les acteurs publics et les diverses personnes vivant, travaillant ou utilisant les espaces territoriaux. Cela englobe aussi bien les habitants que les usagers, les commerçants et autres parties prenantes. Nous favorisons ces échanges en accompagnant des démarches de participation, de concertation et d’information, en utilisant des outils créatifs et sensibles tels que la photographie, la vidéo, le film documentaire, les ateliers facilités et le dessin. Notre objectif est de favoriser le lien social de manière plus engageante que les traditionnelles réunions publiques.

Notre agence se distingue par deux pôles d’expertise. Tout d’abord, un pôle spécialisé dans la facilitation de groupe, la concertation et l’animation de processus participatifs. L’autre pôle est dédié à la production audiovisuelle, avec la réalisation de films documentaires et de photographies, destinées aussi bien aux chercheurs qu’aux entreprises privées ou organismes publics souhaitant véhiculer un message de manière sensible. Nous sommes fières d’avoir lancé cette entreprise il y a trois ans et de voir aujourd’hui l’entreprise se développer. Aujourd’hui, nous sommes 6 avec l’arrivée de deux nouvelles salariées : une designer de services et une sociologue-philosophe pour renforcer notre équipe !

Chloé : Pourriez-vous nous parler de la genèse du projet ? De quel constat êtes-vous parties ?

Alice et Agathe : Cela s’est déroulé de manière assez naturelle. Nous étions toutes les deux étudiantes en master de géographie, spécialisé en médiation territoriale, image et expérimentation. Notre rencontre s’est faite sur les bancs de la fac.

Dans le cadre de notre master, nous avons réalisé un film documentaire portant sur un quartier nommé Saige de la ville de Pessac. Ce projet consistait à explorer le paysage des tours à travers le regard et l’appropriation des habitants, ainsi que leur attachement à cette forme architecturale. Ce film documentaire a suscité un intérêt particulier, notamment de la part de notre commanditaire à Bordeaux Métropole et d’un bailleur social. C’est à ce moment-là que nous avons réalisé le potentiel du marché qui s’ouvrait à nous. Ainsi, le film documentaire est devenu un moyen alternatif pour dresser un diagnostic du territoire, offrant une alternative à l’écrit et permettant de transcender les formes traditionnelles de diagnostic et apporter du sensible.

Cette activité a constitué notre première expérience et a façonné l’un de nos principaux axes d’intervention, reflétant notre identité d’entreprise.

Parallèlement à cela, Alice a eu l’opportunité de travailler avec une commune en tant que stagiaire, dans le cadre de son master. Son rôle consistait à faciliter la co-construction d’un laboratoire d’innovation territorial. Cela impliquait la mise en place d’équipes composées d’habitants, d’élus et d’experts pour développer diverses initiatives telles qu’une épicerie solidaire, des jardins partagés, ou encore le développement du tourisme vert. L’objectif était de favoriser une véritable démocratie participative au sein de cette communauté, ainsi que de promouvoir un vignoble respectueux de l’environnement. C’est une des premières missions fondatrice de la première année d’ALGA. Ainsi, ces deux activités, d’une part l’accompagnement des citoyens et des acteurs politiques dans le développement du territoire, et d’autre part la création d’outils participatifs, tels que des documentaires réalisés dans des quartiers prioritaires, ont constitué nos deux pôles fondateurs. Notre entreprise est marquée par notre volonté constante de fusionner nos compétences dans tous nos projets. Cette synergie continue de caractériser notre travail aujourd’hui.

Chloé : Concernant l’actualité d’ALGA Médiation, pouvez-vous nous parler des projets sur lesquels vous travaillez actuellement ?”

Alice et Agathe : Depuis janvier, nous sommes engagées dans un projet de grande envergure pour la FAB (La Fabrique de Bordeaux Métropole), en partenariat avec deux agences bordelaises, Garluche et Deux Degrés, dans le cadre d’un accord-cadre de trois ans. Cette opportunité nous permet de collaborer sur un projet stimulant : l’animation et la médiation du projet urbain de Mérignac-Marne-Soleil.

Ce projet représente une transformation majeure pour la ville, passant d’une zone commerciale à un espace de proximité et de vie sociale. Notre rôle consiste à accompagner les habitants riverains du projet, les nouveaux habitants, les commerçants.

Dans les prochains mois, nous aurons pour mission de recueillir les besoins des usagers en termes d’animation, afin de développer des activités adaptées en collaboration avec nos partenaires. Notre objectif principal est de créer un lien durable entre les habitants et leur territoire, en transformant cet espace en véritable lieu de vie. Nous sommes convaincues que ce projet contribuera à renforcer le tissu social et à promouvoir un mode de vie plus convivial et respectueux de l’environnement.

Par ailleurs, nous travaillons actuellement sur un autre projet passionnant : la réalisation d’un film documentaire en collaboration avec l’architecte Jérémy Nadau. Ce film met en lumière le festival d’art mural annuel organisé à Terres-Neuves, un quartier prioritaire de la ville de Bègles. Nous suivrons l’artiste Yseult Digan dans la création d’une fresque sur le mur de la Salle Saint-Maurice, menacé de démolition, avec pour objectif de réhabiliter cet espace public environnant et de le rendre accessible aux femmes du quartier.

L’idée principale est de suivre le processus d’yseult, qui mène des entretiens avec des femmes du quartier. Une ou deux de ces femmes seront représentées sur la façade, autour de cette fresque est prévu un projet participatif. Il pourrait s’agir d’un jardin partagé, de la création de mobilier, réalisé notamment sous format de chantiers participatifs avec des femmes du quartier. Ce film explore également l’histoire de Bègles, en particulier du quartier des Terres-Neuves, ainsi que les diverses identités culturelles qui y sont présentes. Au cœur du film se trouve la question de la place de la femme dans l’espace public, à travers le regard de l’artiste, des femmes elles-mêmes.

Chloé: Comment ces opportunités se sont présentées à vous et quelles étaient vos attentes par rapport à ces projets ?

Alice et Agathe: Ces opportunités découlent de trois années d’efforts pour développer notre réseau de partenaires locaux. Nous sommes particulièrement attachées à notre collaboration avec la ville de Bègles et à notre engagement envers cette commune. Notre ambition est de continuer à cultiver ces relations locales et à créer des liens solides avec tous les acteurs de la métropole bordelaise.

Pour notre premier projet, l’opportunité s’est présentée grâce à la construction d’un réseau de partenaires solides. C’est dans le cadre d’un marché public que notre équipe a pu remporter ce projet.

Concernant le second projet, dès les débuts d’ALGA Médiation, nos bureaux étaient dans le quartier des Terres – Neuves et nous étions voisines des bureaux de Jérémy Nadau. Des liens se sont tissés entre nous. Aujourd’hui, cette relation a évolué vers une collaboration autour d’un projet commun.

Chloé : Comment se déroule la collaboration avec les acteurs et actrices de la ville dans le cadre de vos activités ? Quels défis et enjeux pouvez-vous observer comme centraux pour la ville de demain dans votre pratique au quotidien ?

Alice et Agathe : Un échange récent entre Jérémy Nadau, architecte, et les acteurs de la ville de Bègles a suscité notre intérêt. Il ressort de cette discussion que la ville de demain doit être co-construite par et avec ses citoyens, qui doivent pouvoir s’impliquer activement dans la vie de leur communauté. Il est essentiel d’accompagner l’évolution d’une relation consumériste à l’espace urbain à un modèle où chaque citoyen devient un acteur à part entière. Nous aspirons à favoriser une approche plus participative de la vie urbaine, où chacun contribue à façonner son environnement.

Cette vision nous interpelle profondément, car elle met en lumière la nécessité de créer de nouveaux espaces de rencontre entre les acteurs de la ville.

Il est aussi important d’appporter de l’hybridation entre acteurs privés et publics dans le développement urbain. Cette idée résonne avec notre propre pratique, notamment dans le cadre du projet de la fresque de la salle Saint-Maurice à Bègles, où différents partenaires collaborent pour revitaliser un espace public.

Nous croyons fermement en l’idée d’une responsabilité partagée dans la gestion de nos espaces communs, que ce soit par les habitants, les acteurs privés ou les pouvoirs publics. Il est crucial de réinvestir ces espaces avec un souci de solidarité et de justice sociale, en veillant à ce que toutes les populations soient prises en compte, y compris celles qui sont souvent marginalisées.

Il s’agit de donner la parole à toutes et tous, et non seulement à celles et ceux qui possèdent un capital social, culturel et financier. Cela signifie écouter des populations actuellement peu entendues par les politiques publiques.

Les populations en grande précarité ont le droit de vivre dans des environnements agréables et inclusifs, propices au vivre ensemble. La reconstruction des liens peut se faire lorsque chacun se tourne vers les autres et que les richesses sont redistribuées de manière équitable.

Chloé : Quels sont les types de ressources que vous recommanderiez pour ceux qui souhaitent s’impliquer dans les projets de médiation territoriale et d’amélioration du cadre de vie à l’image de ce que vous proposez ?

Alice et Agathe : L’une des principales difficultés de l’engagement citoyen réside dans la méconnaissance des actions en cours. Informer la population et lui accorder le temps nécessaire pour s’impliquer représente un défi de taille. Ainsi, je recommande à tous ceux qui souhaitent s’engager dans des projets de médiation territoriale et d’amélioration du cadre de vie de consulter des plateformes telles que « je-participe-gironde.fr » ainsi que le site du département de la Gironde. Ces plateformes répertorient toutes les actions de concertation en cours.

Par ailleurs, nous avons co-créé un groupe local de l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne (ICPC) à Bordeaux. Ce groupe rassemble des acteurs publics, des acteurs privés et des citoyens dans le but d’améliorer nos pratiques de concertation. Le prochain rendez-vous est fixé au 9 avril à 11h à la base, dans les locaux du département de Gironde. Lors de cette réunion, nous aurons l’opportunité de débattre avec une enseignante-chercheuse spécialisée dans la participation citoyenne, qui partagera ses recherches et ses analyses sur le sujet. Toutes les personnes intéressées sont les bienvenues pour participer, enregistrer les débats et contribuer à enrichir nos réflexions.

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